Un mardi soir sur la terre
C’est une soirée très attendue. L’une de celles qui feraient
vendre père et mère à n’importe quel(le) bobo branchouille pour un flyer d’invit’.
Trois cerbères à l’entrée du temple valident le sésame. Quasi
robotisés, ils restent imperméables aux sourires de composition.
Paillettes et chatoiements, originalités standardisées, provocations
convenues.
Tous ont accourus pour en être.
Attitudes et postures travaillées, l’identification est
facile : directeur artistique, chargé(e) de communication, agent de presse, chef
de pub…
Décideurs et suiveurs.
Bienvenue dans le monde des agences de créa.
Open bar. Le flot de champagne pallie la superficialité des
conversations.
Les rapprochements s’opèrent dans la touffeur du buffet
outrageusement garni.
Quelques questions, quelques flatteries. Suggérer un pouvoir,
quel qu’il soit, pour exister.
Les haleines chargées à 2 grammes n’empêchent pas les
échanges guindés.
Les basses profondes font trembler le sol.
Les corps s’agitent. C’est la grande parade.
Qu’espère ce décolleté monté sur échasses ?
Ce surfeur californien de Belleville peut-il ignorer les sourires
de celles qui font tapisserie ?
Cette jupe volontairement trop courte se satisfait-elle des commentaires
qu’elle suscite ?
Je m’extraie du jeu.
Pourquoi suis-je ici ?
Je suis avec des « amis ». Nous sommes tous avec
des « amis ».
Et pourtant ce ne sont que solitudes assemblées.
Sa stérilité sera compensée par
le sentiment d’avoir appartenu à une tribu l’espace de quelques heures.
J’aurais voulu être ailleurs. Très loin. 600 km environ.